mercredi 21 octobre 2009

Sport-étude et Toxicomanie : y réfléchir à deux fois...

http://www.lefigaro.fr/sport/2009/10/14/02001-20091014ARTFIG00358-15-de-toxicomanes-parmi-les-anciens-sportifs-intensifs-.php

15 % de toxicomanes parmi les anciens sportifs intensifs»


Propos recueillis par Jean-Michel Bader
14/10/2009

Après le décès de Frank Vandenbroucke, le docteur William Lowenstein, spécialiste en toxicomanie au centre Monte-Cristo de Boulogne-Billancourt, s'interroge sur les causes réelles du drame. Et regrette que la santé des sportifs de haut niveau soit si mal prise en compte.

LE FIGARO. - Qu'inspire au spécialiste médical la mort brutale, à 34 ans, d'un athlète de haut niveau ?
William LOWENSTEIN. - Tout d'abord je suis très surpris que l'on évoque une embolie pulmonaire. S'il est vrai que l'embolie des transports aériens existe, et qu'elle peut frapper tout voyageur sur un long-courrier, elle se présente généralement comme une embolie massive, avec arrêt cardiaque foudroyant, à la sortie de l'appareil ou peu de temps après. S'il n'y a pas une réanimation immédiate, et un geste chirurgical en extrême urgence, généralement les victimes ne survivent pas. Ici nous nous retrouvons dans un contexte très différent : un décès nocturne d'un sujet ivre, qui avait vomi, retrouvé mort dans son lit, avec sur la table de chevet de l'insuline, un somnifère (du Stilnox), et un anxiolytique (du Xanax). Sauf à penser qu'une autopsie ait pu être faite, ou que cet hôtel sénégalais dispose d'un appareil d'angiographie vasculaire, la preuve n'est pas faite !
À propos de Vandenbroucke, on évoque un « Pantani du Nord »…
Vous pouvez même dire un Pantani des pavés du Nord. Mais, plus sérieusement, c'est vrai que les deux trajectoires se ressemblent : accumulation des facteurs de risque, échec sportif, dépression, abus toxicomaniaque. Le père et la mère de Frank Vandenbroucke ont déclaré s'attendre à une issue fatale, et il n'y a eu personne pour aider ce garçon.
Pour vous, la lutte contre le dopage et la surveillance médicale ratent leur vraie cible, qui serait la santé au travail des sportifs de haut niveau ?
Combien de morts comme celle de Pantani ou de Vandenbroucke faudra-t-il pour réformer un système qui se marche sur la tête ? Vous avez vu que toutes les fédérations internationales ont signé le code mondial antidopage de l'AMA, et pourtant les sportifs continuent à basculer. Aucune médaille ne vaut une vie. La limite des organisations comme l'AMA ou l'AFLD en France, c'est qu'elles se fondent sur le dépistage de la tricherie au nom de l'éthique sportive. C'est une « maladie » professionnelle très particulière, très complexe que celle du compétiteur, de son ambition, de son angoisse de l'échec. Avec Marie-George Buffet (alors ministre des Sports) nous avions découvert entre 1999 et 2000 en interrogeant des toxicomanes de centres de soins qu'au moins 15 % des « tox » étaient d'anciens sportifs intensifs (haut niveau ou sport études). Nous avions fait la démonstration que c'est une population fragile à haut risque, avec un pic de premier usage, ou d'abus survenant dans trois circonstances très précises : l'arrêt de la carrière, l'échec ou la non-sélection en compétition et la blessure. En dix ans rien n'a vraiment changé : le système ne s'intéresse pas véritablement à la santé de ces citoyens fragiles.

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